Jeton de trictrac médiéval en os

Copies de jetons médiévaux en os de bœuf (mandibule) datés du XIe siècle, dont les originaux ont été retrouvés en France à Mayenne (Dpt. Mayenne) et à Boves (Somme). Le jeton de Mayenne est assez exceptionnel avec son travail ajouré dit en « open work » qui laisse apparaître une feuille de cuivre jaune. L’os est riveté sur une rondelle de bois. Le jeton de Boves a des particularités décoratives qu’il était intéressant de reproduire dans le cadre d’une démarche expérimentale.

Jeton original de Mayenne, la plaque de cuivre est oxydée et le bois du revers a quasiment disparu, et ma reproduction à droite en 2020.
Jetons de la motte castrale de Boves (Somme), décors de cercles, d’ocelles et d’arc de cercles en forme de croissants. Ces os plats, de grandes dimensions, épais proviennent exclusivement de mandibules de grands bovidés.
Choix de mandibules de bovidés de grande taille, les mandibules de veau et génisse ne conviennent pas du tout.
Délimitation à la scie des parties utiles, puis première cuisson pour décharner les mandibules, une copie en papier du jeton de Mayenne sert de gabarit (ci-dessus et ci-dessous).
L’os est débité en cercle, la partie spongieuse est encore pleine de graisse, une deuxième cuisson dégraissante sera nécessaire. Le foramen (canal dans la mandibule qui sert de passage aux nerfs, veines et artères) est bien visible.
C’est ce foramen qui permet d’identifier l’origine osseuse dans la mandibule. Il est aussi un excellent repère pour délimiter les parties utiles les plus planes de l’os. L’os est un peu aplani à l’écouane ou la plane à deux poignées.
Pour reproduire le jeton de Mayenne, certaines pièces ont été sciées par la tranche, il ne reste qu’une rondelle d’os de 50 mm de diamètre environ et 4 mm d’épaisseur qui sera rivetée sur une rondelle identique en bois.
Les ébauches en bois et en os débitées, la spongiosa de l’os sera le revers.
Les cercles sont faits au tour et les ocelles avec une drille à archet dont la mèche de 5 mm ici a trois pointes.
Pièce en os découpée, ajourée, fine plaque de cuivre jaune et rondelle de bois avant assemblage.
Le jeton est assemblé, emplacement marqué des rivets.
De gros rivets en fer recuit assemblent les 3 pièces (os, cuivre et bois), les défauts du jeton original ont été reproduits volontairement et assez facilement, en effet la drille à archet ripe aisément dès qu’elle mord sur un des cercles déjà réalisé auparavant (ci-dessus et ci-dessous).

Un second jeton a été réalisé avec un peu moins de défauts dans la pose du décor.

Le jeton de Boves a été réalisé dans une ébauche circulaire entière provenant de la mandibule de bœuf. Les cercles concentriques qui incluent les ocelles ont été faits au tour. le tour a été actionné seulement à la main pour avoir une vitesse de rotation très très lente. C’est la seule solution pour inciser régulièrement les parties concaves et convexes de la matrice osseuse
Les arcs de cercles « en croissant » (et non concentriques) nécessitent un écartement fixe de deux pointes. Cet outil à deux pointes a été préféré au compas dont les bras peuvent s’écarter au cours du travail. Une pression forte et verticale permet aisément ce type de décor. Bien entendu l’os a trempé pendant deux jours dans de l’eau pour être gravé plus facilement. Les traces de pointage de l’outil sont bien visibles en bas et à gauche du jeton.

Le jeton est un peu plus grand que l’original et les ocelles un peu plus petites. Hors ces points cette réalisation expérimentale m’a permis de faire une copie fidèle aux originaux, en testant un outillage autre que le compas.

Copie d’un jeton originaire d’Europe continentale, daté de l’an 1150. Il représente un décor zoomorphe ajouré avec un paon reconnaissable à ses ocelles. Le paon est inscrit dans un cercle de 31 mm de diamètre. Deux plaques d’os de boeuf (mandibules) rivetées, avec insertion d’une fine plaque de cuivre jaune comme le jeton de Mayenne.
Ci-dessus, le jeton original (collecté par le marchand d’art Mathias Komor), diamètre 35 mm. et qui s’est vendu aux enchères à New York pour … 1500 $
Mes 5 premiers jetons expérimentaux et 3 dés en os patinés
Clichés des pièces anciennes, extraits du catalogue de l’exposition au Château de Mayenne en 2012. « Echecs et trictrac » Fabrication et usages des jeux de tables au Moyen Age. Éditions errance. Paris 2012.
D’autres jetons en bois de cerf (meule ou couronne) gravés d’animaux sont prévus comme ci-dessous…
… ainsi que la réalisation de la table de ce jeu de trictrac médiéval (copie de celle retrouvée à Saint-Denis, ci-dessous).
Iconographie ancienne ci-dessous: Fabrication d’un jeu de trictrac d’après le manuscrit « Le livre des Jeux d’Alphonse X » (Espagne vers 1283, tourneur à archet personnage à gauche) et joueurs de trictrac dans le manuscrit germanique « Codex Manesse » vers 1320 (cliché de la bibliothèque universitaire de Heidelberg)

A suivre donc….

Avancement des travaux ci-dessous

Jetons bruts débités dans des meules de bois de cerf, épaisseur 9 mm. A l’avant les jetons en os déjà faits.
Positionnement des ébauches circulaires des jetons et étude de l’emplacement des pièces en os, la table mesure 60 x 45 cm.
Le verso de la table est en bois brut, planchettes de frêne assemblées à plat joint, mortaises borgnes et tenon (en jaune) chevillé de part et d’autre. Assemblage conforme à la menuiserie du XIe siècle.
Les plaquettes sont découpées conformément au jeu original. Longueur de chaque flèche 145 mm.
Les 15 premiers jetons en bois de cerf tourné, diamètre 45 mm, copies fidèle d’un jeton retrouvé sur la motte castrale de Saint-Romain (21)

Remerciements :

Pour les matériaux: Marc Menouillard (MOF), Pascal Gourrat, Mrs Deprost et Mikelskis.
Pour les documents archéologiques : Isabelle Rodet-Belarbi (INRAP- UMR 7264- CEPAM-Nice).

2 commentaires

  1. Magnifique ! Bravo pour ce travail de Bénédictin et pour ce papier, dont j’ai beaucoup appris. Sébastien.

  2. Bonjour, vous dîtes au début de votre article que la pièce est retrouvée à Mayenne en Sarthe mais la pièce a été retrouvée dans la ville de Mayenne dans le département de la Mayenne, la Sarthe c’est le département d’à côté 🙂

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