Peigne médiéval

Fresque dans la chapelle Sainte Radegonde représentant Aliénor d’Aquitaine au Château de Chinon (cliché du Musée Château) et ma reproduction du peigne.

Copie d’un peigne médiéval (vers 1250)…

Destiné à la reconstitution du Cabinet de toilette d’Aliénor d’Aquitaine (1122-1204), reine de France et d’Angleterre ! Mère de Richard Cœur de Lion. Reproduction réalisée en décembre 2020 pour un grand Musée français.

Le peigne orignal était en ivoire, j’ai remplacé cette matière par des plaquettes d’os de bœuf (pieds ou fémur).

Il est nécessaire de récupérer les pieds de bœuf bruts, les décharner, désarticuler pour obtenir des métapodes bien blancs après nettoyage, d’une douzaine de centimètre de long.

A partit des métapodes il est possible d’obtenir de fines plaquettes, ici 100 x 22 x 3,5 mm. Plus l’animal est âgé plus ses os sont épais et denses.

Les plaquettes sont assemblées par des petits goujons transversaux de 1,2 mm de diamètre, puis collées.

L’assemblage nous donne un peigne fini de 10 x10 cm environ. Le collage et assemblage des plaquettes n’intervient qu’une fois que les dents sont sciées. En effet si au cours du travail, une plaquette ne donne pas satisfaction elle peut être remplacée et refaite avant le collage définitif.

Chaque plaquette est sciée individuellement pour faire les dents du peigne. D’un côté les dents sont plus larges que de l’autre. Ci-dessous, on distingue bien la denture partielle et les orifices des goujons de fixation. Les plaquettes n’ont que 3,5 mm d’épaisseur. Il a été très délicat de percer les plaquettes pour les juxtaposer sans décalage l’une par rapport à l’autre!

Il y a environ 4 ou 5 dents au cm. Au cours de cette reconstitution, la taille des dents d’une plaquette s’est montrée particulièrement mal faite et a été remplacée.

Les plaquettes sont positionnées avant collage pour une ultime vérification. Les dents larges sont conformes au peigne original, mais pour les plus fines il en manque quand même 1/3 environ !

Pour le décor il fallait poser un filet d’or à la feuille de 2 mm de large et selon un rectangle très précis. Des bandes d’adhésif ont permis de conserver cet écart fixe et régulier. L’or a été posé à la mixtion à dorer 3 heures.

Ci-dessous détail de la largeur du trait d’or pur entre deux bandes d’adhésif (un rouge et l’autre translucide).

Le peigne une fois assemblé, le décor a été fait très finement et légèrement au crayon de papier, seule solution pour respecter un décor millimétré !

Dessiné, doré, le peigne est prêt à recevoir son décor final à l’encre. Les assemblages des plaquettes sont bien visibles.

L’os est très différent de l’ivoire dans sa structure. Il est micro-poreux, de ce fait, tout décor aqueux se diffuse dans la matière comme de l’encre sur un papier absorbant ! Après de nombreux tests, la solution retenue a été le passage d’une fine couche de résine pour étanchéifier l’os. La surface de l’os est ainsi lisse, brillante et a des propriétés voisines de l’ivoire. 

Le décore a été posé sans difficulté en respectant le modèle original au plus près. J’ai restitué également de fines traces de polychromie de couleur bleue dans les ocelles latérales dessinées au trait.

Le peigne se révèle tel qu’il devait être à l’origine. Il est riche des symboles liés à l’amour: la fidélité du chien, la beauté du paon, les entrelacs en forme de cœur et ces petits points bleus, peut être comme de minuscules myosotis (ne m’oublie pas !).

Le peigne est prêt pour être exposé dans le cabinet de toilette reconstitué d’Aliénor d’Aquitaine.

Le peigne original en ivoire est un peigne sicilien du milieu du XIII ème siècle. Les dents sont particulièrement fines et régulières. Un travail inégalé ! quant au décor, en travaillant sur des agrandissements de qualité, j’ai pu voir qu’il est lui aussi parfois d’une finesse inouïe et ai découvert des traces de polychromie. Les traces brunes sont, par contre, les reliquats de support de la dorure (probable ancienne colle dite « assiette à l’ocre »). Certains dessins, comme ces ocelles, sont vaguement suggérées, tandis que les traits du rectangle sont bien plus fins que le laisse voir ma copie….

L’écartement entre les dents est moins de 1 mm pour les plus fins !

Et ce que je photographie moins souvent : les nombreux essais et erreurs ! cela ne marche pas toujours du premier coup ! Loin de là !

Bonus

Petite vidéo de présentation de l’arrivée du peigne à la Forteresse royale de Chinon au moment de Noël 2020. Vidéo du Musée par Pauline Coutand. 

Remerciements

Aux personnels du Château Musée Forteresse Royale de Chinon, à l’atelier des quatre mains de Lons-le-Saunier en particulier Alice Javelle pour ses conseils en matière de dorure, à mes fournisseurs d’os et à l’association Mêta Jura pour la diffusion de mon travail…. et à ma famille qui a supporté stoïquement mes angoisses pendant des semaines à chaque étape du travail !

3 commentaires

  1. Un profond respect pour un travail remarquable dans tous les sens du terme.Et l’on peut souligner la grande humilité de Monsieur PICOD qui n’a d’égale que son savoir-faire et sa dextérité.

  2. Monique Lambert

    Superbe travail. Pour faire, il faut savoir faire et savoir quoi faire. Les métiers manuels sont l’addition du savoir intellectuel et de l’intelligence du geste.
    Monique Lambert et la Société des Amis des Musées du Mans.

  3. J’apprécie de voir le passage des os encore tachés de sang au peigne fini, orné et doré, voir comment tout ce travail s’effectue, étape par étape. Le savoir-faire à l’œuvre – donné à comprendre si simplement- m’intéresse vivement.

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