Ornamental woodturning, or a Platonic solid model of the solar system in 17th century ? C. PICOD. Conférence, avec Diaporama (166 diapos)
Images du CNAM, Revues : FMR et l’Objet d’Art, entre autres et C. Picod.
Extraits de la conférence: Le tournage ornemental, qu’est ce que c’est ?
Au fond le tournage n’est qu’une suite de bosses et de creux le long d’un axe, techniquement pris entre pointes. C’est ce qui le caractérise avec une symétrie régulière et le fait reconnaître. Le tournage ornemental échappe à cette règle et cette symétrie axiale. On le dit à ce moment là oblique, ovale ou rampant (passigderhbank en allemand). On attribue également au tournage ornemental le tournage des sphères ajourées, à étoiles, bien qu’au strict sens technique ce dernier type d’objet s’exécute avec un tour en l’air ordinaire.
Le mot ornemental apparaît dans la littérature seulement en 1838, dernière période de fabrication des tours ornementaux fabriqués par la firme Holzapffel ! Au XVII ème et XVIII ème siècle on parlait plutôt de tours à guillocher, tour ovale, tour à portait ou à figures … etc., vocable varié qui a trait aux objets fabriqués et qui correspond aussi à de types de tours très particuliers et complexes.
Le concept et le contexte :
Cette conférence s’inscrit largement dans la période couverte grosso modo entre 1500 et 1800, Age d’or du tournage ornemental.
Les premiers concepts écrits apparaissent surtout à travers les écrits et dessins de Léonard de Vinci avec des tours pour faire des pas de vis, tours à roue, tours à bâtons à axe creux. Le tour pour réaliser des pas de vis est techniquement une des premières complications du tour simple. Il faut en effet introduire deux mouvements synchronisés. Le premier tour ornemental connu est celui du prince Maximilien I d’Autriche et qui est conservé au Château de Kreuzenstein près de Vienne et date de l’an 1500 environ. La Renaissance a permis cette explosion technique et diffusion des savoirs de manière remarquable.
D’autres écrits plus précis viennent ensuite avec les ouvrages et planches de Jacques Besson (protestant réfugié à Montbéliard) en 1550 et l’ouvrage de Salomon de Caus en 1615 sera encore plus explicite sur ces mécanismes qui mettent en jeu le tournage ornemental (tournage ovale et rampant en particulier). On le retrouve également avec l’ouvrage de Chérubini d’Orléans à peine plus tard en 1671.
Il n’est pas inintéressant quand on s’intéresse à une question technique de cette importance et qui touche la sphère des intellectuels de l’époque, que de la remettre dans son contexte culturel. Quel est-il au XVI ème siècle ?
La pensée dogmatique de l’église catholique est mise à rude épreuve avec la naissance de la Réforme et la montée en puissance des églises luthérienne et calviniste, opposition vive dans la pensée et la société qui apportera un siècle de troubles puissants avec les guerres de religion qui vont ensanglanter l’Europe. L’intelligentsia protestante se réfugiera dans les cours germaniques ou auprès de certains princes, et on assistera en France à une véritable hémorragie d’intellectuels et savants après la révocation de l’Édit de Nantes il faut le rappeler. Le contexte des savoirs de l’époque est également intéressant au point de vue astronomique. L’église, même il elle finance des travaux de recherche, impose totalement et sans esprit d’ouverture la vision du monde antique décrit par Ptolémée ou la terre est au centre de l’univers et ou les astres, y compris le soleil, tournent autour du moins jusqu’à la fin du XVI ème siècle. Tout tient dans la logique imparable des écritures qui place l’homme, création parfaite de Dieu, au centre de l’univers.
Subrepticement, un chanoine polonais du nom de Copernic quelques mois avant sa mort publie son livre VI en 1543 et émet l’idée novatrice que le soleil est au centre et non la terre. Peu après cependant même si le pape Clément VII est enthousiasmé par les idées de Copernic et en fait exposer les grandes lignes à Rome, en 1533, par son secrétaire particulier. L’attitude de l’Église nous paraît ambivalente, en réalité sa position est d’autant plus complexe qu’elle analyse toutes les positions prises par certains astronomes, tant au regard de leurs travaux que de leurs croyances. Giodano Bruno, astronome, fut taxé d’hérésie et condamné au bûcher car il reniait la croyance en la Vierge Marie et au Saint Esprit, il faut le rappeler. Les travaux de Copernic donc, sont vivement combattus par l’église protestante d’abord, puis catholique. Le système de Copernic (1473-1543) est déclaré contraire à la Bible par l’Église avec la mise à l’Index de son ouvrage majeur en1616. Le système géo-héliocentrique de Tycho Brahé (1546-1601) fut adopté par les Jésuites. L’idée de l’héliocentrisme sera reprise brillamment par Kepler en 1596, qui intègre aussi les observations de l’astronome danois Tycho Brahé qui vont partiellement dans le même sens.
Il est important de restituer ces événements dans le contexte technique et historique qui nous occupe car on verra comment, un peu plus loin, on peut les lier ensemble. L’église catholique, donc, hégémonique s’attaque à la Réforme luthérienne et les troubles qui se développent en Europe conduisent alors à la guerre dite de Trente ans. Par ailleurs, et justement dans ces pays là, l’idée de Copernic germe, Kepler la reprendra et Galilée sera obligé de se renier face à l’Inquisition. Plus tard avec le siècle des Lumières l’église sera contrainte d’abandonner à grand peine la vision du monde selon Ptolémée, l’ouvrage de Copernic sera retiré de l’Index en 1843, et elle ne reconnaîtra qu’en 1998 (!) qu’elle s’était trompée dans le procès de Galilée.
Les premiers ivoires tournés
Le premier ivoire tourné connu est issu de la Cour du Danemark et représente une coupe sous forme de vase avec couvercle, et elle est datée de 1558 (règne de Christian III 1534-1559).
Le château de Rosenborg de Copenhague au Danemark conserve une collection supérieure en qualité et en nombre aux fameux ivoires de Florence. Moins connus les ivoires danois ont été exécutés par des artistes tels que Jensen, Normand ou Spengler au XVII ème siècles. Les Princes danois prisaient particulièrement l’art du tour avec Christian IV (1577-1648), mécène de Tycho Brahé, Frédéric II (1559-1588), Christian V (1670-1670), ainsi que Frédéric IV à la charnière du XVI ème et XVII ème siècle.
Le plus ancien inventaire de ces ivoires date de 1718 mais aucun détail sur leur réalisation n’est hélas mentionné.
Le château de Rosenborg possède un fabuleux tour ornemental, celui de la reine Sophie Magdalene et date de 1736. Voir http://dkks.dk/drejebaenk
En réalité les ivoires ornementaux les plus connus sont ceux réalisés entre 1618 et 1630 à la cour des Princes germaniques luthériens de Cobourg et conservés aujourd’hui au Palis Pitti de Florence. Collection des Médicis qui provient d’une prise de guerre : ils furent dérobés par les armées catholiques lors du pillage de Cobourg le 28 septembre 1632 pendant la guerre de Trente ans.
Les ivoires de Cobourg :
Ils franchirent les Alpes et parvinrent à Florence, où ils furent répertoriés le 1er avril 1633. il s’agit d’un ensemble relativement complet : des trente vases arrivés à destination, il en reste vingt sept aujourd’hui ; et si tous ne sont pas dans un état de parfaite conservation, un seul a dû subir une importante restauration. Mis à part quatre globes sur stèles – dont l’un est soutenu par un homme aux mains levées- il s’agit de vases en forme de calices munis de couvercles, dont les pieds représentent souvent des formes étranges : disques symétriques, spirales, colonnes diversement tournées et historiées. Ils sont couronnées de motifs d’une facture très compliquée : serpents, bouquets de fleurs, étoiles, sphères incluses dans d’autres sphères… Sur un autre objet, une chaîne d’anneaux doubles, réalisée dans une seule pièce d’ivoire, relie le couvercle à la coupe. Deux vases ont une section carrée ou triangulaire et présentent des renflements sur les côtés, travail témoignant de la grande habileté du tourneur. Par leur style, ces objets s’inscrivent dans la riche tradition de l’orfèvrerie allemande du siècle précédent, mais l’extravagance de leurs formes doit beaucoup à l’enthousiasme qu’éprouvèrent les artistes en découvrant les virtuosités techniques que permettent l’utilisation de tours de précision : enthousiasme à l’égard de ce qui représentait pour eux la « mécanisation ». Avant d’obtenir un vase parfait, il fallait faire de nombreux essais et gâcher beaucoup d’ivoire ; or c’était un matériau très rare et coûteux. Sous la base ou à l’intérieur du couvercle de seize de ces ivoires, sont gravés – en général à l’intérieur d’un cercle – la signature de l’artiste et la date : parfois s’y ajoute une inscription en forme de dédicace ou même une devise à caractère religieux ou populaire. Les dates s’échelonnent de 1618 à 1631 ; les signatures font référence à Marcus Heiden, Johann Eisenberg et, à deux reprises, à Jean Casimir, duc de Saxe, de Juliers, de Clèves et de Berg, prince de Cobourg, patron des deux tourneurs susnommés et tourneur sur ivoire lui-même. D’ailleurs, le blason de la maison de Saxe est visible sous le pied d’une des pièces et dans le globe d’une autre. Onze pièces ne représentent ni date ni signature, ni aucune autre inscription.
Marcus Heiden était tourneur d’ivoire, « maître des feux d’artifice et de fusils » auprès du duc de Cobourg. Johann Eisenberg, originaire de Gotha, était son élève. La première pièce qui porte leur marque remonte à 1623, tandis qu’un des vases signé par le duc porte la date de 1618 ; il est donc possible que ce dernier ait commencé à travailler seul, ou qu’Heiden ait été à son service dès 1618.
Heiden a laissé un petit livret où il narre le sac de Cobourg. Il fait débuter son récit à la date fatidique du 28 septembre 1632 : vers le soir, l’armée impériale s’abattit sur la ville princière de Cobourg et le palais d’Ehrenburg fut mis à sac. « Toutes les œuvres en ivoire tourné, qui étaient pour la plupart de ma main, mais en partie aussi de celle de mon élève, nous dit Heiden, furent volées, et trente-deux de ces pièces partirent pour Florence en Italie ». Après cette date, le travail au tour des objets d‘ivoire cessa dans cette ville allemande. Heiden décida cependant d’exécuter une pièce qui puisse servir d’exemple. Il entrepris son œuvre en 1637 à Eisenach, où il était venu s’installer en 1633 après la mort du duc Jean Casimir, qui s’était particulièrement distingué comme mécène et amateur de cet art. A Eisenach, Heiden est au service de son frère, le duc jean Ernest, lequel meurt à son tour en 1638. Heiden se rend alors à Weimar auprès du duc Guillaume, où il termine son chef d’œuvre en 1639. Dans son petit livre, l’artiste – après s’être plaint que trop de gens ne tiennent pas compte en estime l’art des tourneurs, en s’empressant d’ajouter que tel n’est pas le cas de nombreux princes, surtout dans la maison de Saxe – décrit minutieusement son vase, qui, étrangement, nous est présenté comme ayant vocation d’exalter l’Eglise et la foi chrétienne.
« Avec mon vase, j’ai voulu honorer Dieu selon l’enseignement de l’apôtre Paul : « Ainsi, que vous mangiez, que vous buviez, quoi que vous fassiez, faites-le pour la Gloire de Dieu (Corinthien I, 10). Esprit religieux qui transparaît également dans les devises et les inscriptions figurant sur les vases de Cobourg ; il est donc probable qu’ils avaient aux yeux de leurs auteurs, un sens symbolique aujourd’hui difficile à déchiffrer, à moins d’émettre d’autres hypothèses.
Cobourg, territoire protestant, fut donc attaqué par l’armée impériale catholique, à la tête de laquelle se trouvait entre autres commandants, le prince Mathias de Médicis, uni à l’empereur pas des liens de parenté directs. Ce fut certainement Mathias qui expédia les vases à son frère Ferdinand II en Toscane.
Pendant cette guerre contre les protestants, quelques français participaient à cette croisade dont un certain Nicolas Grollier (1599-1689), comte de Servière originaire de Grenoble, ce lieutenant colonel d’infanterie aura une importance capitale dans les ouvrages français relatifs au tournage ornemental publiés au XVIIIème siècle !
Les ivoires de Cobourg ne sont pas de pièces isolées, loin s’en faut.
La vogue de cet art ne tarda pas à se répandre, tandis qu’artisans tourneurs et objets d’ivoire circulaient à travers toute l’Europe. On retrouve à Dresden un tourneur sur ivoire, un autre du nom de Georg Wecker à Munich rejoint en 1584 par Egidius Lobenigh de Cologne. La cour de Munich s’attache les talents d’un tourneur italien Giovani Ambrogio Maggiore. Non seulement les tourneurs pratiquent leur art, mais les princes des cours européennes s’y adonnent aussi avec talent et nombre des créations des princes de la cour de Munich sont conservées aujourd’hui au Bayerisches Nationalmuseum.
A Stockholm, au début du XVII ème siècle, à la cour des princes de Wurtemberg travaillait Georg Burrer ; en 1620, un chef d’œuvre sortit de ses mains : une grande galère qui allait connaître un destin identique à celui des vases de Heiden. A Nuremberg travaillait la famille Zick, à laquelle toute la noblesse, jusqu’aux grands ducs de Toscane, passaient commandes. A Florence, le globe de Munich, peut être exécuté de la main même de Maggiore, et d’autres ivoires tournés figuraient déjà sur l’inventaire de la Tribune en 1598. Dans l’inventaire suivant, on trouve bien sûr, les vases de Cobourg mais aussi une autre série, de style moins homogène, qui pourrait provenir de l’école bavaroise, ainsi qu’un troisième ensemble originaire peut être de Nuremberg : on y remarque en effet une des spécialités de Zick, le Contrefaitkugel, sphère comportant à l’intérieur des miniatures représentant Cosme II et son fils Ferdinand II, princes florentins.
En 1675, un autre tourneur allemand, Filippo Sengher, arriva à Florence ; il donna à son tour des leçons au prince Ferdinand, puis devient son homme de confiance et fut nommé grand maître des joutes et spectacles à Pratolino. Un vase du tout jeune prince, daté de 1678, fait partie des collections du Palais Pitti. Mais les pérégrinations de Sengher ne s’arrêtèrent pas là : il finit ses jours à Saint-Pétersbourg, à la cour de Pierre le Grand. Le tsar était lui aussi un tourneur d’ivoire passionné, spécialiste de portraits et, en 1711, il offrit à Cosme III une boîte contenant une boussole en ivoire exécutée de ses mains.
Durant la période où s’épanouit à Florence l’art des tourneurs sur ivoire, les objets furent essentiellement d’usage courant, petites boîtes et pots où l’on mettait des herbes, des épices et des baumes, souvent offerts en cadeaux et parfois même envoyés à l’étranger. Au XVIII ème siècle, l’Europe délaissa l’ivoire pour la porcelaine. A Florence , l’art des ivoires tournés s’éteignit avec la disparition des princes qui l’avaient tant prisé (le prince Ferdinand mourut en 1713, Cosme III en 1723 et Jean Gaston en 1737) mais la renommé de ces créations demeura et c’est ainsi que l’on peut lire dans un petit guide de 1759 à propos des grands vases ornementaux « … magnifiques et capricieuses inventions, dont certaines atteignent un telle finesse qu’on reste émerveillés à les contempler et à se demander comment elles peuvent tenir ».
Une certaine représentation du monde : Une hypothèse farfelue ?
Parmi les ivoires de Cobourg, la sphère ajourée avec une étoile et autres polyèdres emboîtes les uns dans les autres date de l’an 1600, et c’est cette pièce qui nous intéresse plus particulièrement ici.
Que sait-on de la représentation de l’univers de cette époque là ?
Dans la Grèce antique, pour Platon IV ème siècle av. J.-C., le monde existe à travers deux principes fondamentaux : les réalités immuables attachées à un discours vrai et certaines choses affectées de mouvement. Comment réussir à décrire alors avec un discours vrai, donc immuable et immobile, certaines choses attachées de mouvement ?
Platon fixe l’idée de l’âme du monde, qui lui permet d’expliquer à la fois pourquoi et comment le mouvement des corps célestes est ordonné et pourquoi et comment le mouvement des corps sublunaires –fabriquées à partir des 4 éléments : feu, air, eau et terre, mis en rapport avec le tétraèdre, l’octaèdre, le dodécaèdre et le cube- est soumis lui aussi à des lois mathématiques et présente ainsi une certaine permanence. Les mathématiques représentent pour le monde grec la perfection, et chaque fois qu’il est nécessaire on attache des formes géométriques parfaites à ce que l’on veut décrire quand il s’agit de choses immuables. Ainsi Platon décrit-il le fixe et le mouvement grâce à des représentations géométriques intégrées dans sa vision du monde. Ce mouvement universel, celui des planètes, est suspendu à des sphères régulières, l’ensemble des étoiles fixes du fond du ciel, est placé sur la dernière des sphères qui contient l’Univers.
Ces solides –le tétraèdre régulier, le cube, l’octaèdre et le dodécaèdre auxquels il faut ajouter l’icosaèdre – sont appelés communément solides de Platon car ce dernier les a décrits dans le Timée, vers 350 av. J.-C. Il a été séduit par leur beauté et leur symétrie. Les grecs ont accordé une signification mystique aux cinq solides réguliers en les rattachant aux grandes entités qui selon eux façonnaient le monde : le feu est associé au tétraèdre, l’air à l’octaèdre, la terre au cube, l’univers au dodécaèdre et l’eau à l’icosaèdre.
Pythagore de Samos (environ 550 av. J.-C.), a probablement connu trois de ces solides : le cube, le tétraèdre et le dodécaèdre.
Euclide termina son œuvre Les Éléments en prouvant qu’il existe exactement 5 polyèdres convexes réguliers : le tétraèdre, le cube, l’octaèdre, le dodécaèdre et l’icosaèdre.
L’astronome, géographe et cartographe Ptolémée II ème siècle ap. J.-C., héritier de toute la tradition philosophique et scientifique grecque, poursuit et complète les travaux de ses prédécesseurs. Son œuvre est considérable. Il expose dans l’Almageste son système géocentrique du monde, qui fera autorité jusqu’à la Renaissance ! La Terre est immobile au centre de l’univers ; autour d’elle se déploient les sphères célestes successives sur lesquelles se meuvent la Lune, le Soleil, les planètes et les étoiles ; avec la huitième sphère, à laquelle sont accrochées les étoiles, s’achève l’univers.
En 1543, Copernic réfute le système de Ptolémée et la pensée aristotélicienne, mais conserve de sa lecture des textes anciens l’idée que les planètes sont soutenues par des sphères cristallines emboîtées les unes dans les autres
A la Renaissance Kepler (1571-1630) pensait que le nombre et la disposition des planètes était une manifestation de la volonté de Dieu et n’était donc pas arbitraire. Il encastra les 6 planètes connues à l’époque dans les 5 solides parfaits platoniciens. A chaque sphère est associée une planète, le rayon de la sphère donne la distance moyenne de la planète au soleil. Chaque polyèdre est inscrit dans une sphère et circonscrit dans une autre. Vénus correspondait à l’octaèdre, la Terre à l’icosaèdre, Mars à au Dodécaèdre, Jupiter au tétraèdre et Saturne au cube.
Kepler à l’âge de 24 ans, en juillet 1595, reprend l’idée de Platon décrite dans le Timée sur les cinq solides parfaits et l’intègre dans son ouvrage « Mystérium cosmographicum » publié en 1596. Kepler afin d’expliquer les proportions d’un monde qui demeure pour lui fini, utilise un peu à la façon des poupées russes, les cinq polyèdres réguliers retenus par le Timée de Platon pour remplir les 5 espaces séparant les six orbites des planètes connues. Le nouveau monde trouve ainsi ses premières raisons ; et les premiers scientifiques leurs premiers malheurs : le bûcher pour l’astronome italien Giordano Bruno en 1600 qui défendit les thèses de Copernic devant l’Inquisition, et Galilée qui du désavouer le monde auquel il croyait lors de son procès en 1633.
Pour en revenir à Kepler ; afin de matérialiser sa vision cosmique de l’Univers, il voulait à tout prix en faire une maquette. Celle-ci était une coupe contenant les volumes platoniciens et les orbes des planètes faites par autant de demi coupes emboîtées les unes dans les autres. Frédéric de Wurtemberg refusa le premier projet de Kepler qui voulait réaliser sa maquette en matériaux précieux. Le 17 février 1596 Frédéric lui suggéra de ne pas faire de mystère cosmique en forme de coupe, il le voulu encastré dans un globe céleste ! Un orfèvre se mit au travail et réalisa à grand peine une maquette en papier de Kepler sous forme de globe contenant les volumes platoniciens en 1598. Kepler perfectionniste, aurait aussi voulu en faire une avec un mouvement d’horlogerie « avec une erreur de moins de un degré en six ou dix mille ans ». Kepler épuisa son mécène, seule demeura cette idée du monde où les sphères célestes, orbites des planètes, étaient contenues les unes dans les autres avec les fameux volumes décrits par Platon. Nous étions alors en 1598, et le premier ivoire avec ses sphères ajourées date curieusement de 1600, soit à peine deux ans plus tard !
Pourquoi ces fameux ivoires si particuliers ne seraient-ils pas la représentation de l’Univers ?
Comment en trouver la preuve ?
Dans le contexte religieux de l’époque où l’affirmation d’un univers qui tourne autour du soleil équivaut à une condamnation sévère parfois taxée d’hérésie. Comment ne pas s’étonner alors que les dédicaces laissées sur les vases de Cobourg soient aussi peu explicites ! Comment en aurait-il pu en être autrement ?
Comment Heiden se situait-il par rapport au dogme de l’église ? Cela reste une inconnue pour nous.
En tous cas il n’y a pas grand mystère à comprendre pourquoi Heiden se cache derrière des vers et poèmes religieux « à la gloire de Dieu ». Galilée n’a pas fait autre chose lors de son procès en 1633 en disant que tout ce qu’il observait n’était que la création de Dieu et que c’était lui rendre grâce que de la décrire du mieux possible !
Mieux qu’un progrès technique, mieux que de l’Art pour l’Art, Heiden semble laisser dans ses œuvres le message secret du mouvement de l’Univers autour du soleil , la fameuse étoile entourée des sphères des orbites planétaires !
« Et pourtant elle tourne », aurait dit Galilée, alors qui mieux qu’un tourneur pouvait représenter cet univers là ! et comment ne pas encore s’étonner face à cet ancien proverbe allemand qui dit que Dieu fut le premier tourneur car il fit la terre ronde ! Curieux hasard, non ?
Mais laissons maintenant ce XVII ème siècle pour voir comment le tournage ornemental va évoluer les siècles suivants.
Suite : lecture des pages concernant le tournage ornemental et celui de F. Barreau : in « Les Tourneurs sur bois » C. Picod -1991-Belfort
Fascinant est un mot trop faible..